Lulhum, candidature personnage secondaire

C'était un matin calme de Javian, le port de Madrestam s'éveillait à peine, et le silence régnait encore à l'intérieur de la taverne Mystra. Encore oui, mais plus pour longtemps, puisqu'à cet instant la porte venait d'être ouverte, en un geste à la fois théâtral et empli d'une noblesse toute prolétaire.
Et le silence qui jusqu'ici était seul maître des lieux d'être balayé d'un seul revers du pied, et ce malgré toute sa hargne, et toute sa volonté d'en découdre. Car rien, oui, rien n'aurait pu résister aux claquements ostensibles de l'unique et toute petite paire de bottes qui avait entrepris la conquête sonore du lieu. Un claquement qui aurait pu rappeler quelque chose au lecteur fidèle et attentif. Quelque chose comme la réminiscence lointaine et étouffée d'un évènement autrefois annonciateur de majestueuses et sibyllines apparitions.

En effet, souvenez-vous : Autres temps, autres lieux, le monde est au bord du chaos. Des hordes de moutons contrôlent chaque strate du pouvoir, ils sont partout, et sous toutes les formes. La droite obtenue par régression linéaire de leur population proliférente menace de mettre à genoux la loi de Lavoisier elle même, et ce dans un jour proche. Bref, tout semble perdu.
Tout ? Non, pas totalement, car un petit groupe d'irréductible résiste encore et toujours à l'envahisseur. Ces êtres d'exceptions ont choisi de voué leur vie à la défense de la CAUSE, et ce en dépit de l'apathie et de l'inconscience générale. Des années durant ils luttèrent, se sacrifiant les uns après les autres dans l'indifférence de tous ceux qui, aveugles de naissance ou par choix, refusaient de voir en l'engeance ovine une menace sérieuse.
Ces héros de toutes sortes, et de toutes origines s'étaient fait connaître (à défaut de reconnaître), sous le nom de le Mouton Fou.

Hélas, ce qui devait arriver arriva, et malgré tous leurs efforts l'apocalypse survint, balayant sur son passage toute trace de vie. Et de le Mouton Fou ne subsista que de lointaines légendes.

Mais vous seriez en droit de vous interroger, et ce en particulier si vous êtes encore néophyte en la matière, sur ce qui m'amène à vous conter ceci, en des temps et des lieux qui paraissent si lointains. A celà je répondrais tout d'abord que le fléau mouton n'a pas disparu. Comme le mauvais goût et la bêtise, il est atemporel, universel et toujours aussi déterminé à asseoir sa domination partout ou un intellect fera mine d'exhiber sa présence. Tel l'éponge qui se nourrit d'eau, il se nourrit du sang de ses victimes, se reproduisant et évoluant à l'infini jusqu'à étouffer le monde dans la laine. Et il est de mon devoir de narrateur que de vous prévenir contre lui.

Et ensuite, je m'égarerais à vous parler de l'horloge de Xélor. Cette horloge merveilleuse est la preuve absolue et indiscutable du génie créatif des dieux anciens et mystérieux qui façonnèrent ce monde. Elle est la clef de la compréhension de tous les mécanismes de l'univers, la pirouette scénaristique absolue. A tout égard une pure merveille, preuve autoritaire de l'existence d'un intellect supérieur à nous tous.
Cette horloge donc, fut fendue par le démon Rushu lors d'une quelconque guerre divine. Et cet évènement à lui seul explique toutes les incohérences qui pourraient surgir dans votre esprit. Toutes oui, celle-ci aussi. Et celle-là également. Ne cherchez plus : l'univers est désormais privé de toute structure spatio-temporelle stable, et tout y devient possible.

Aussi, il ne devrait pas apparaître incongru pour le lecteur attentif de voir apparaître l'une des héroïnes de le Mouton Fou dans la taverne Mystra du port de Madrestam. Pas plus qu'il ne devrait être le moins du monde étonné par sa réincarnation sous la forme d'une minuscule xélorette. Et encore moins par le fait que cette même xélorette appartienne désormais à l'Ordre: la magie de l'horloge fendue vient dès à présent d'ôter tous vos doutes. Hallelujah.